Accueil de familles de réfugiés à Roissy.
Les Couloirs humanitaires combinent :
- l’accès à une voie sûre et légale d’arrivée en France ;
- un accueil innovant, citoyen et fraternel favorisant l’intégration des réfugiés.
La première étape consiste en l’identification des familles bénéficiaires. L’identification des personnes « vulnérables » au Liban est réalisée par une équipe de Sant’Egidio. Il s’agit essentiellement de Syriens, de quelques Irakiens et Palestiniens de Syrie ayant fui la guerre vers les villes de Beyrouth, Tripoli et les camps frontaliers de la Syrie (comme celui de Tel Abbas au nord du pays).
L’organisation Operazione Colomba (opération Colombe, corps non-violent pour la paix de Jean XXIII) est un partenaire important de ce processus d’identification. Historiquement, cette association était la première à faire les signalements pour les Couloirs humanitaires. Les bénévoles de cette organisation font en effet le choix de vivre dans les camps (camp de Tel Abbas) au Liban dans les mêmes conditions que les réfugiés. Leur présence au quotidien auprès des réfugiés leur permet d’identifier et de signaler des personnes particulièrement vulnérables à Sant’Egidio et ses partenaires sur place au Liban.
En choisissant de s’impliquer dans l’identification de ses bénéficiaires, Sant’Egidio au Liban se distingue du système de sélection des programmes de réinstallation du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) même si, du fait de la reconnaissance et du succès du programme, le HCR signale aussi désormais à Sant’Egidio des personnes répondant aux critères des Couloirs humanitaires.
Les potentiels bénéficiaires sont entendus au cours de plusieurs entretiens, trois ou quatre sur une année environ, par Sant’Egidio ou ses partenaires présents au Liban (Médecins sans Frontières, HCR, églises…). L’identification par Sant’Egidio est sans doute une des caractéristiques majeures de l’opération : les couloirs humanitaires valorisent systématiquement les rapports personnels, l’art de la rencontre et du dialogue qui sont autant de préludes à la réussite de l’accueil et de l’intégration des bénéficiaires du projet.
Faire trois entretiens au moins, dont un sur le lieu d’habitation (camps, squats, appartements...) de la personne, est primordial pour faire connaissance, avoir une meilleure compréhension de la situation de la famille, de son projet de vie, de son adhésion aux Couloirs humanitaires et de sa motivation. Ces rapports personnels noués dès le Liban garantissent une continuité lorsque les personnes arrivent en France non comme des anonymes mais comme des personnes déjà connues. Ces liens se multiplient bien entendu à partir de l’arrivée dans le pays d’accueil, sans rupture mais dans une dynamique d’inclusion progressive avec de nouveaux amis, dans un nouveau pays, une nouvelle ville, un nouveau logement, un nouvel environnement social, économique, culturel. Les Couloirs humanitaires sont un projet global qui assure une continuité entre toutes les étapes du parcours emprunté par les réfugiés via les couloirs humanitaires – qui peuvent être comparés à un pont avec ses deux arches : l’arche plantée dans le pays de départ où est conduite l’identification des réfugiés et l’arche de l’accompagnement dans le pays d’accueil.
Sant’Egidio prépare ensuite les personnes sélectionnées à passer leur entretien avec les autorités françaises. C’est en effet le bureau « asile » au consulat français de Beyrouth qui instruit la demande de visa (visa D au titre de l’asile) et donne une réponse effective en deux mois, comme prévu dans le protocole.
L’entretien se déroule au « Bureau des visas » du Consulat à Beyrouth et s’inscrit sous la juridiction du Ministère des Affaires Etrangères. Les personnes sont auditionnées sur leur parcours de vie et sur leurs « vulnérabilités » spécifiques, évaluées selon différents aspects : familles avec enfants en bas âge, femmes isolées ou avec leurs enfants, victimes de trafic, personnes âgées, personnes malades, personnes en situation de handicap… Ces critères permettent alors de fonder leur besoin de protection. Aucune distinction n’est faite sur l’appartenance sociale ou sur la confession des personnes. Il faut toutefois préciser que cette étape au Liban ne relève en aucun cas de la procédure de demande d’asile. A leur arrivée en France, les bénéficiaires des Couloirs humanitaires doivent introduire leur demande d’asile qui sera instruite par l’Office français de protection et d’apatrides (Ofpra).
Après obtention du visa, les personnes partent pour la France par voie aérienne et les frais de transports sont pris en charge en totalité par le programme Couloirs humanitaires. Un partenariat a été signé avec Air France pour les faire venir en toute sécurité. Dans les quinze jours après leur arrivée sur le territoire, les bénéficiaires sont enregistrés au Guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) au sein de la préfecture de leur lieu d’accueil : prise d’empreintes pour la base Eurodac, remise du dossier Ofpra et enregistrement à l’Office français de l'immigration et intégration (Ofii). Ensuite, les familles sont convoquées en entretien à l’Ofpra. Le protocole d’accord prévoit des délais réduits à deux mois (soit 60 jours) pour obtenir un visa au consulat français à Beyrouth, tandis que l’Ofpra s’engage à instruire les demandes d’asile en France dans un délai accéléré de trois mois.
Dans les faits, au 20 décembre 2020, les couloirs humanitaires ont accueilli 504 personnes en France, avec un délai de quatre à cinq mois en moyenne pour l’obtention d’une protection de l’Ofpra (statut de réfugié ou protection subsidiaire). Pour les autres demandeurs d’asile en France, le délai d’attente s’élève à six mois voire un an. A ce jour, 100% des demandes d’asile des bénéficiaires des couloirs humanitaires ont reçu une réponse positive (protection subsidiaire ou statut de réfugié) à l’Ofpra ou, dans quelques cas seulement, après un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
En France, Sant’Egidio ne s’occupe pas seulement du suivi de la demande d’asile mais prend en charge l’accueil et l’intégration des réfugiés, deuxième pilier des couloirs humanitaires. L’accueil est préparé par la sensibilisation et l’information sur le projet des Couloirs humanitaires et par l’appui à la constitution et à la coordination des collectifs d’accueil à l’échelle nationale.
Depuis le début du projet en 2017 la Communauté de Sant’Egidio a organisé plus de 70 rencontres d’information et de sensibilisation dans plus de 40 villes françaises, afin de découvrir des groupes potentiels de bénévoles et de lancer des projets d’accueil. La majorité des groupes rencontrés accueille une famille ensuite selon des délais plus ou moins long de mise en place de chaque projet de collectif.
« La communication du et sur le projet a joué un rôle fondamental. […] Une fois le contact établi avec une communauté locale grâce à l’implication des paroisses, des groupes informels, des amis, des voisins, etc., la Communauté de Sant’Egidio organise une réunion d’information. Les bénévoles de l’association se rendent personnellement sur place partout dans le pays. Ces rencontres sont l’occasion de faire connaissance, de construire des relations de confiance et, surtout, d’expliquer avec précision ce que sont concrètement les couloirs humanitaires. […] L’une des priorités est d’expliquer ce que fuient les personnes à accueillir : la guerre civile en Syrie et les camps de réfugiés au Liban. On essaie aussi d’aborder immédiatement certaines questions relatives au droit d’asile en France ainsi qu’aux droits et devoirs des réfugiés, et d’être clairs et transparents sur les difficultés de l’accueil et du parcours d’intégration, tant pour ceux qui reçoivent que pour les bénéficiaires. (FAMI, 2019, p. 68-69, entretien d’une responsable de Sant’Egidio France)
Les bénéficiaires ne sont pas accueillis dans les structures d’hébergement pour demandeurs d’asile (Cada, Huda, etc.) gérées par l’État et répondant au Disposition national d’accueil (DNA). Ce sont les collectifs d’accueil qui prennent entièrement en charge les bénéficiaires des couloirs humanitaires.
Les Couloirs humanitaires en France (premier protocole 2017-2020) :
Selon les chiffres de Sant’Egidio, au 31 décembre 2020, 34 % des réfugiés (40 familles) sont accueillis en milieu rural, c’est-à-dire dans des communes de moins de 2 500 habitants, dont 22 familles dans des villages de moins de 1 000 habitants. Sur les 127 familles ou personnes isolées accueillies en France, près de 70 % sont installées dans des communes de petite taille, avec moins de 25 000 habitants. À l’inverse, seulement 12 familles sont installées dans des agglomérations de plus de 250 000 habitants : deux familles à Paris ; une famille à Marseille, Toulouse, Nantes, Montpellier et Strasbourg ; cinq familles à Bordeaux. L’agglomération rennaise arrive juste après ces sept métropoles, avec trois familles accueillies au sein de Rennes et trois autres dans des villes périphériques en Ille-et-Vilaine.
Un collectif doit être constitué d’une équipe de 10 à 20 personnes, se répartissant les tâches selon différents pôles : juridique/administratif, hébergement, santé, scolarisation des enfants, cours de français, insertion sociale (sport, etc.). L’accompagnement s’inscrit dans le long terme, sur une période d’un an voire un an et demi, il est donc important d’être plusieurs. Les familles réfugiées sont logées dans différents types d’habitations telles que des appartements privés, parfois en colocation ou des maisons de particuliers. Ces collectifs d’accueil agissent en collaboration avec les acteurs locaux (mairie, diocèse et paroisse, dispositifs dédiés aux demandeurs d’asile, centres communaux d’actions sociales (CCAS), bailleurs sociaux, etc.). L’instruction rapide de la demande d’asile par l’Ofpra et le suivi des collectifs sur environ une année, permettent ensuite aux personnes de bénéficier d’une ouverture à différents droits communs français. Cet accès aux droits leur offre par exemple la possibilité de travailler, de rejoindre une formation et bientôt d’accéder à un logement dont ils pourront assumer eux-mêmes la charge. Cette mobilisation citoyenne et ce cadre d’accueil plus favorable doivent également favoriser l’intégration des personnes accueillies en les conduisant à une certaine autonomie. Cette prise d’autonomie est facilitée par les liens amicaux et sociaux tissés en proximité et par l’accent mis sur la maîtrise du français et la connaissance de la société d’accueil.
Les couloirs humanitaires représentent un modèle d’accueil diffus. En France, les collectifs sont répartis sur tout le territoire sollicitant différents acteurs : associations, groupes, individus, paroisses, organisations, congrégations religieuses, parents déjà installés en France, etc.
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